Sansy Kaba Diakité est le fondateur et directeur général des éditions Harmattan-Guinée. Depuis 2008, il organise chaque année les 72 heures du livre de Conakry. En 2017, il est Commissaire Général de Conakry, Capitale Mondiale du livre. Il organise actuellement les Rencontres Internationales du Livre d’Afrique à Conakry en partenariat avec l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Sansy Kaba est secrétaire général adjoint de l’association ELLA. Entretien.

Peux-tu nous présenter l’association ELLA ?
Basée à Paris, Ella est une association de loi 1901, composée de professionnels du livre africain et d’opérateurs culturels originaires du continent africain. L’objectif c’est de promouvoir la littérature africaine, notamment auprès des afro-descendants c’est pourquoi nous avons choisi l’acronyme ELLA, Espace des Littératures et des Livres Africains et afro-descendants. Le conseil d’Administration est dirigé par Marie-Agathe Amoikon qui est une professionnelle du livre et qui a de la passion pour son travail depuis plus de 30 ans.

Raconte-nous ton premier salon du livre à Paris.
Lorsque j’ai fondé ma maison d’édition en septembre 2006, j’ai fait plusieurs salons du livre en Afrique. L’apothéose c’était le salon du livre de Paris. C’est un rendez-vous incontournable pour la littérature francophone. Ce qui m’a marqué c’est le beau stand du bassin du Congo qui présentait le continent africain de manière exceptionnelle. Il y avait un espace pour tous les grands écrivains africains, des tables rondes, des conférences, des dédicaces, c’était un bouillon de culture. Il y avait plusieurs grands auteurs qui me faisaient rêver, d’Afrique de l’ouest et d’Afrique centrale mais aussi du Maghreb. ça m’a vraiment impressionné.

Ton livre de chevet préféré ?
L’enfant noir de Camara Laye. Je suis un enfant de la Haute Guinée. J’ai fait mes études à Kankan et ce livre raconte l’histoire d’un enfant de Haute Guinée. C’était mon livre de chevet. Camara Laye racontait vraiment notre histoire. Un autre livre qui m’a marqué c’est « Tribaliques » d’Henri Lopes qui rassemble huit nouvelles. Henri Lopes était Ambassadeur du Congo à Paris. Un jour, je l’ai croisé dans le stand du Congo au salon du livre de Paris. Je lui ai dit ce que j’avais ressenti en lisant son livre. Mon rêve c’était de faire venir Henri Lopes en Guinée. Il est venu et a animé une conférence remarquable. Nous lui avons attribué un doctorat honoris causa de la plus grande Université de Conakry. C’était formidable. Et c’est grâce au salon du livre de Paris que j’ai pu rencontrer cet auteur emblématique de la littérature africaine.

Ton auteur préféré ?
J’aime bien Alain Mabanckou. Il a de l’audace, il a de l’humour. Il nous fait traverser pas mal de choses par la qualité de son écriture ; C’est quelqu’un d’agréable. Je l’ai rencontré plusieurs fois à Paris, à Aix en Provence, en Californie. On a un point commun c’est Camara Laye. On discute souvent ensemble de cet auteur qu’on trouve extraordinaire. J’ai un rêve : le faire venir à Conakry pour qu’il puisse parler de Camara Laye avec les guinéens.

Une anecdote qui t’a marqué ?
Quand Conakry a été désignée Capitale mondiale du livre en 2017 par l’Unesco, Alain Mabanckou était heureux. On a été invité par l’état de Californie et c’était un grand plaisir pour lui de nous recevoir dans les locaux de l’Université où il enseigne « L’enfant noir » pour discuter avec nous de ses envies et de ses projets de réunir tous les spécialistes de « L’enfant noir » de Camara Laye pour faire quelque chose d’exceptionnel sur les terres à Kouroussa. Il a un désir fou de venir en Guinée. Sur un de ses derniers livres qu’il m’a dédicacé, Alain Mabanckou a écrit : « pour Sansy qui ne veut pas me faire venir à Conakry ». Je lui ai répondu que c’était pour très bientôt.

Le meilleur de salon du livre ?
C’était en mars 2017. Il y avait un beau stand des lettres africaines à Paris, j’ai trouvé le projet très bien, et il y avait à l’intérieur de ce stand écrit « Conakry, place forte de la littérature en Afrique », ça m’a terriblement marqué. C’était le début d’un moment très fort pour ma nation parce que Conakry avait été une capitale oubliée, une capitale qui ne faisait pas rêver et cette année-là au salon du livre de Paris, Conakry a brillé de mille feux parce que les projecteurs étaient sur la capitale guinéenne. C’était l’amorce de ce grand moment mondial de « Conakry, capitale mondiale du livre ». Nous avons reçu de grands écrivains , les directeurs de l’Unesco, de grands ministres en charge de la culture de plusieurs pays, l’ancien ministre Jack Lang, le Président François Hollande qui est venu parler avec nous de ce projet emblématique de Conakry. L’édition de mars 2017 m’a profondément marqué.

Le pire souvenir de Salon du livre ?
Le pire souvenir c’était l’année dernière. Retrouver les pays africains hors d’un espace agréable… on avait des petits stands, on n’était pas du tout visible, j’étais meurtri parce qu’on avait donné l’habitude aux jeunes nés en Europe de venir voir du beau. Voir que ces jeunes arrivent sans voir un beau et magnifique espace consacré à l’Afrique, ça m’a fait mal et je me suis dit qu’il fallait remédier à ça, tous ensemble, nous les éditeurs et professionnels du livre. Faire un partenariat public privé avec nos états pour construire un projet durable pour que l’Afrique soit toujours représentée au salon du livre de Paris parce que Paris est un rendez-vous fort de la littérature mondiale.