Expatrié en Guinée depuis le début de l’année 2021, Thierry Guillou a trouvé un projet qui lui va à ravir. Pour l’UNECATEF, le technicien de 36 ans raconte les raisons qui l’ont poussé à rejoindre l’Afrique et expose également sa vision du football et ses convictions de formateur. Interview.

Après le FC Lorient et le SM de Caen, qu’est ce qui a motivé votre départ pour la Guinée ?

Ces deux clubs représentent 9 saisons de ma vie professionnelle. Deux belles expériences réussies, deux beaux clubs dans lesquels j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler, avec des approches différentes qui m’ont permis de continuer à me construire. Le football africain et sa formation m’attirent depuis longtemps et j’ai eu ces dernières années quelques sollicitations auxquelles je n’avais pas donné de suite favorable (Côte d’Ivoire, Sénégal, Burkina-Faso…). Mais dès lors que le projet de l’Académie KPC en Guinée s’est présenté, j’ai estimé que toutes les conditions étaient réunies pour le mener à bien et ainsi sortir de ma zone de confort.

Qu’entendez-vous exactement par « toutes les conditions étaient réunies » ?

Combien d’entraîneurs ont la chance de pouvoir démarrer d’une feuille blanche pour construire un projet d’envergure ? Très peu… et je ne sais même pas si cela existe en France. Cette liberté de construire, créer, formaliser est quelque chose qui n’a pas de prix. C’est toute la différence entre s’inscrire dans un projet et construire un projet. Là, il y a une attente, une commande. Si je devais faire un parallèle, ce serait avec la musique : il y a un producteur (le président) et mon rôle est celui de compositeur-réalisateur. Je dois composer, donner vie au projet, créer, coordonner… On peut légitimement se demander pourquoi quitter « le pays de la formation » pour un pays qui ne dispose presque pas d’infrastructures de formation. Mais l’épanouissement personnel et l’influence de ton travail est bien plus valorisant.

Ce projet correspond finalement à votre vision du football.

Exactement ! Je vois le développement du foot à travers le prisme de la formation. Lors de chaque décision, je me pose les mêmes questions : « quel football je veux ? », « pourquoi j’aime le football ? », « comment puis-je agir pour qu’il soit encore plus beau ? ». C’est valable pour le recrutement des jeunes, le projet de jeu, les valeurs. En Guinée, j’ai la latitude de pouvoir agir sur l’ensemble de ces paramètres. En 2018, j’ai exposé ma vision du foot dans un livre intitulé « Football et formation : une certaine idée de jeu ». Je ne fais qu’appliquer ce que j’ai écrit en tenant compte de l’évolution de ma pensée, de celle du football et des particularités de l’Afrique. Les fruits du travail réalisé à l’Académie auront une portée nationale. Il s’agit d’un projet qui dépasse celui d’une simple structure, il aura un rayonnement et une influence sur l’ensemble du football guinéen

Quelles sont les missions que vous menez au quotidien ?

Ma première grande mission est la détection de jeunes talents que nous avons menée avec mon équipe à travers tout le pays (6000 enfants supervisés). C’est une expérience fantastique qui nous a permis de découvrir les différents quartiers de Conakry et les plus grandes agglomérations du pays. Des voyages, des rencontres et du football à l’état pur. C’est le point de départ de la première promotion de l’Académie et ce travail de prospection touchera à sa fin dans les prochains jours. Mes autres missions sont nombreuses : recrutement du personnel, formation des éducateurs, gestion des équipements, planification des séances, animation de réunions, relations avec l’équipe pro, les clubs étrangers. Je ne suis pas seul, je dispose de compétences autour de moi.

Pour finir, comment définiriez-vous vos convictions en tant que technicien et formateur ?

Je pense qu’elles sont relativement simples. Par exemple, dans mon approche pédagogique, je considère que les enfants sont des joueurs « talentueux ». Il m’incombe par conséquent de créer les conditions pour révéler leur talent. Autre exemple, au niveau du jeu, je défends un football collectif, proactif, créatif et réflexif. En résumé, mon objectif est de mettre en lumière les joueurs et de promouvoir le jeu ! Mais les convictions n’ont que peu de raisons d’être si elles ne peuvent être appliquées.

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