Initiative de la société de production sénégalaise Cinékap, fondée et dirigée par Oumar Sall, «Up courts métrages» se veut un incubateur de jeunes ayant la passion du cinéma. Un programme pensé, en quelque sorte, pour pallier un manque d’écoles de cinéma en Afrique.
Par Zouhour HARBAOUI
Sur notre continent, quelques initiatives se font afin de permettre aux jeunes de s’initier ou de se professionnaliser dans les domaines de la Culture, malgré certaines difficultés notamment financières.
Au Sénégal, la société de production Cinékap d’Oumar Sall a initiée un programme intitulé «Up courts métrages», une formation de six mois qui permet aux jeunes passionnés de cinéma de se professionnaliser dans le domaine et de développer leurs projets, soit en réalisation soit en production, et, en quelque sorte, «pallie le manque d’école de cinéma sur le territoire sénégalais et dans certains pays ouest africains». Un militantisme «pour la rationalisation et le concret», qui fait la ligne directrice de «Up courts métrages».
Lors de cette formation, les vingt jeunes sélectionnés (dix en réalisation et dix en production) suivent un programme commun entre histoire du cinéma, projections et analyse de films, master class, et rencontres avec des professionnels qui ont joué un rôle dans les créations cinématographiques comme les techniciens, les maquilleurs, les comédiens, les accessoiristes, etc.
Par la suite, les deux groupes (réalisateurs, producteurs) reçoivent, chacun, une formation et un accompagnement précis sous le regard d’un mentor. Parmi ces accompagnants, se trouvent, comme nous l’a indiqué Oumar Sall, «Ben Diogaye Béye, Alain Gomis, Mansour Sora Wade, Baba Diop, Makhet Diallo, Moussa Sene Absa, etc., et d’autres experts de Afrique et de Europe. Puis, pour la troisième phase, des duos producteur-réalisateur sont formés pour aboutir à la réalisation du projet.
Une prise de conscience
Le directeur de Cinékap nous a expliqué la genèse d’«Up courts métrages» : «C’est après le sacre du film ”Tey” d’Alain Gomis au Fespaco 2013, film coproduit par Cinékap, que des jeunes et beaucoup issus de Ciné-banlieue, initié par feu Aziz Boye, m’ont envoyé leurs scénarios, qui n’étaient, en fait, que des ébauches, en vue de les aider à réaliser leur projet de film. Ciné banlieue leur avait donné les premiers rudiments du cinéma et leur avait permis de réaliser un film collectif. A la lecture de ce qu’ils me présentaient comme scénario j’y ai décelé pas mal de lacunes autant dans l’écriture que dans la structuration de leur récit. J’avais constaté qu’il existait une réelle rupture générationnelle. Les jeunes reprochant à leurs aînés de ne pas leur faire la courte échelle et les aînés de leur reprocher leur impatience et leur méconnaissance des règles et codes qui fondent le cinéma. L’idée, donc, m’est venue de les rapprocher en mettant en place un programme ”learning by doing”, financé par Cinékap et d’une durée de six mois, conçu pour mettre le pied des jeunes à l’étrier. Nous sommes à la troisième session de formation avec un total de 13 films dont certains primés dans des festivals, 32 scénarios accompagnés».
Avant d’ajouter : «En lisant les romans de certains auteurs africains, j’y vois des thématiques nouvelles, de nouveaux rapports à la société dans sa mutation et je me dis qu’il y a là source d’inspiration pour les cinéastes. Ce n’est pas parce qu’on est cinéaste qu’on est forcément un bon scénariste. Loin de moi l’idée de mettre tous les cinéastes du continent dans le même sac. Seulement je suis partisan d’un cinéma exigeant, ce qui ne veut pas dire hermétique. Un cinéma populaire, ouvert, peut aussi bien être un cinéma exigeant. Nous nous devons retrouver notre identité cinématographique et nous départir d’autres types de cinéma».
60 % des objectifs pour la session 2019/2020
Instruire une initiative telle qu’«Up courts métrages» demande beaucoup de moyens. D’ailleurs, les principales difficultés ont trait aux financements comme nous l’a signalé Oumar Sall : «Les difficultés sont en général liées au manque de financements pour arriver à réaliser nos objectifs à 100 %. Pour cette session 2019 /2020, nous sommes à 60 % de nos objections en qui concerne la production de films 6 courts métrages sur 10 prévus. Cependant l’objectif de la formation théorique est à 100 %. Nous bénéficions d’un double ressort : l’organisation et le capital humain. Ce qui peut nous bloquer et peut nous propulser ce sont les moyens escomptés pour chaque session. D’ailleurs nous remercions l’Etat du Sénégal à travers le Fopica (NDLR : Fonds de Promotion de l’Industrie Cinématographique et Audiovisuelle), Canal Université et l’Institut français de Dakar, qui ont cru comme nous».
Le programme «Up courts métrages» commence à amorcer une ouverture vers d’autres zones de notre continent.. En effet, outre des pays d’Afrique de l’Ouest comme, évidemment, le Sénégal, le Burkina Faso, le Bénin, et le Niger, du Sénégal, le Tchad a fait partie de l’édition 2019/2020. Et le directeur de Cinékap de préciser : «De par le passé, nous avions eu des postulants du Cameroun et du Congo et qui au dernier moment ont désisté pour des difficultés de prise en charge».
Une nouvelle session, celle de 2020-2021, devrait être lancée d’ici 2 mois. L’appel à candidature se fera sur les réseaux sociaux et sur le site de Cinékap (www..cinekap.com).
Outre l’espoir de voir «Up courts métrages» continuer et grandir, Oumar Sall a une autre aspiration pour les cinémas africains : «Nous devons militer pour un grand fonds, à travers le grand ensemble de l’Afrique qu’est l’Union africaine, qui sera dédié à l’industrie cinématographique à l’image du fonds européens. X années après sa création, on le réclame. C’est une catastrophe ! A ceux qui jouissent des privilèges comprenez que c’est une urgence !».
Source: www.farafinaculture.com
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